Troubles de la réfraction :

Les troubles de la réfraction représentent le premier motif de consultation en ophtalmologie et touchent une personne sur deux, en moyenne.

Ils sont une cause fréquente de baisse d’acuité visuelle et d’inconfort chez l’adulte. Chez l’enfant, ils peuvent être à l’origine d’une amblyopie fonctionnelle irréversible s’ils ne sont pas diagnostiqués et corrigés de façon précoce.

1 : Rappel optique :

Lorsque la lumière rencontre une surface séparant deux milieux transparents d’indice de réfraction différent = dioptre, elle est déviée, c’est la réfraction.

L’œil est composé de plusieurs dioptres : cornée = 43 dioptries et cristallin = 20 dioptries.

La dioptrie (D) est l’unité de mesure du pouvoir réfractif d’un système optique. Elle représente l’inverse de la longueur focale de ce système exprimée en mètres.

Exemple : un système optique qui focalise 0,1 mètre en arrière de lui-même a un pouvoir de réfraction de 1/0,1 = 10 dioptries.

1-1 : La vision de loin :

L’image d’un objet situé à l’infini (>5m) doit se former précisément sur la rétine. L’objet est alors vu net sans participation de l’accommodation.

C’est le cas si le pouvoir réfractif de la cornée et du cristallin est en équilibre avec la longueur axiale du globe oculaire, l’œil est ainsi emmétrope.

Lorsque l’image ne se forme pas précisément sur la rétine, la vision est alors floue avec une baisse de l’acuité visuelle. Il existe une amétropie : myopie ou hypermétropie associée ou non à un astigmatisme.

L’image est en avant de la rétine pour le myope et en arrière pour l’hypermétrope.

La mesure de la réfraction d’un œil consiste à mesurer la puissance du système optique (lunette ou lentilles principalement) qu’il faut ajouter à l’œil pour qu’une image à l’infini se forme précisément sur la rétine. Si l’œil est emmétrope sa réfraction sera de 0 car il ne faut rien lui rajouter pour que l’image à l’infini se forme précisément sur la rétine.

Lorsqu’il existe une différence de réfraction entre les deux yeux, on parle d’anisométropie.

1-2 : La vision de près :

Lorsqu’un objet est proche (< 5mètres) les rayons lumineux n’arrivent plus parallèles, ils sont divergents. Il est nécessaire à l’œil d’augmenter sa puissance de réfraction pour que l’image de cet objet proche ne se forme pas derrière la rétine.

C’est le phénomène d’accommodation qui est réalisé grâce au cristallin. Il peut ainsi modifier constamment son pouvoir de convergence en se déformant grâce aux muscles ciliaires et permettre à l’image d’un objet proche de se former constamment précisément sur la rétine en fonction de la distance de cet objet par rapport à l’œil.

La presbytie traduit la perte progressive physiologique du pouvoir accommodatif du cristallin chez tout individu après la quarantaine. Le cristallin devient moins souple et se déforme moins facilement.

2 : Examen de la réfraction :

2-1 : Réfractométrie automatique :

La mesure objective de la réfraction se fait par la skiascopie manuelle plus ou moins une mesure à l’ophtalmomètre de Javal.

Ces appareils sont de moins en moins utilisés au profit de la mesure de la réfraction par un réfractomètre automatique. Le patient se met devant un appareil et regarde une image. Les mesures de la réfraction se font automatiquement en quelques secondes par un système optique.

A la suite de cet examen on obtient la puissance du système optique qu’il faut ajouter à l’œil (lunette ou lentilles principalement) pour qu’une image à l’infini se forme précisément sur la rétine.

On note la réfraction œil par œil.

2-2 : Addition pour la vision de près :

Ces mesures permettent d’avoir la correction pour la vision de loin. Jusqu’à 45 ans il n’y a pas besoin de rajouter une correction pour la vision de près car le cristallin permet d’accommoder. Au delà on rajoute une correction pour la vision de près par déduction par rapport à l’âge et par essais de différentes puissances. La correction de près que l’on doit rajouter à celle de loin ne peut pas se mesurer objectivement.

On appelle cette correction addition, elle varie entre 1 et 3,5 D en fonction de l’âge.

1 D vers 45 ans pour 3,5 D à 65-70 ans avec des variations inter individuelles.

3,5 D pour un patient pseudo phake émétropisé.

2-3 : Réfraction sous cyclopégique :

Chez l’enfant (< 15 ans) la mesure de la réfraction se fait sous cycloplégique (gouttes parasympatholytiques) afin de bloquer l’accommodation qui est importante à cette âge et qui fausse les mesures.

2-4 : Meilleure acuité visuelle avec correction :

A la fin de l’examen on fait lire le patient de loin et de près pour avoir la meilleure acuité visuelle avec correction. On peut faire des petites modifications pour que le patient soit confortable avec sa correction. La réfraction objective que l’on mesure ne correspond pas toujours à la correction que l’on prescrit.

Fig 1 : Meilleure acuité visuelle avec correction de loin et de près

3 : Les amétropies :

Les différentes amétropies (ou trouble de la réfraction) entraînent principalement une baisse d’acuité visuelle de loin et/ou de près.

3-1 : L’hypermétropie :

3-1-1 : Définition :

Un œil hypermétrope n’est pas assez convergent ou trop court par rapport à sa convergence.

Les rayons lumineux provenant de l’infini convergent en un point situé en arrière du plan rétinien.

L’hypermétropie est le trouble réfractif le plus fréquent, souvent sous-estimé en l’absence de réfraction sous cycloplégique.

3-1-2 : Physiopathologie :

Dans la plupart des cas, l’hypermétropie est la conséquence d’un œil trop court (longueur axiale < 23mm). C’est l’hypermétropie axile.

Elle peut aussi être liée à un pouvoir réfractif insuffisant : hypermétropie réfractive.

Les sujets hypermétropes ont un risque plus élevé de glaucome aiguë par fermeture de l’angle irido-cornéen.

3-1-3 : Symptômes :

Lorsque l’hypermétropie ne peut être compensé, la personne présente une baisse d’acuité visuelle de près et de loin.

Chez l’enfant et l’adulte jeune, l’hypermétropie modéré est compensée de façon permanente par une accommodation permanente de près et de loin responsable des signes cliniques suivants :

  • Céphalées sus-orbitaires prédominantes en fin de journée
  • Fatigue visuelle : asthénopie accommodative surtout pour la vision de près qui demande un Effort d’accommodation plus important que la vision de loin.
  • Blépharo-conjonctivite
  • Strabisme convergent accommodatif chez l’enfant

3-1-4 : Correction :

Elle vise à augmenter la puissance réfractive de l’œil par :

  • Des verres correcteurs sphériques convexes convergents notés positivement
  • Par des lentilles de contact pré-cornéennes
  • Par chirurgie réfractive (réservée aux patients majeurs présentant un trouble réfractif stable)

Exemple de prescription :

OD : +2 D, OG : +1,75D

3-2 : La myopie :

3-2-1 : Définition :

Un œil myope est trop convergent ou trop long par rapport à sa convergence.

Les rayons lumineux provenant de l’infini convergent en un point situé en avant du plan rétinien.

La fréquence de la myopie est de 15 à 20 % dans les pays occidentaux. Elle atteint 40 % en Extrême-Orient.

3-2-2 : Physiopathologie :

Il n’existe pas, comme pour l’hypermétropie, de mécanisme physiologique de compensation de ce défaut de réfraction. De loin la vision est floue, de près elle est nette sans accommoder.

Dans la plupart des cas, la myopie est la conséquence d’un œil trop long (longueur axiale > 24mm). C’est la myopie axile. Elle se révèle chez l’enfant et se stabilise à l’âge adulte. En général, elle ne dépasse pas -6 D.

Elle peut aussi être liée à un pouvoir réfractif excessif (cataracte nucléaire) : myopie d’indice.

La myopie forte évolutive (longueur axiale > 26mm, trouble réfractif allant de -6D à -30D) débute précocement et évolue toute la vie. Appelée aussi myopie dégénérative, elle associe des atrophies chorio-rétiniennes par étirements des tissus et peut se compliquer de décollement de rétine, néovaisseaux choroidiens, glaucome chronique, cataracte précoce, cécité.

Les yeux myopes présentent de façon plus fréquente des anomalies de la périphérie rétinienne favorisant la survenue de décollement de rétine : déchirures, palissades, trous. Il est nécessaire de réaliser un fond d’œil avec dilatation afin de vérifier la périphérie rétinienne lors d’une consultation. Il est possible d’entourer ces lésions au laser Argon ce qui diminue le risque d’évolution vers un décollement de rétine.

Fig 2 : Fond d’œil de myope de – 18 D

3-2-3 : Symptômes :

Baisse d’acuité visuelle de loin avec une vision floue entraînant des difficultés pour le tableau scolaire, le cinéma…

La vision est nette de près avec une distance de lecture d’autant plus courte que l’œil est plus myope.

La myopie compense l’apparition de la presbytie. Un myope souffre de sa presbytie plus tard voir pas du tout si sa myopie est supérieure à 3 dioptries. Il enlève ses lunettes pour lire en général.

3-2-4 : Correction :

Elle vise à réduire la puissance réfractive de l’œil :

  • Par des verres correcteurs sphériques concaves divergents, notés négativement
  • Par des lentilles de contact pré-cornéennes
  • Par chirurgie réfractive (réservée aux patients majeurs présentant un trouble réfractif stable)

Exemple de prescription :

OD : -2 D ; OG : -2,5D

3-3 : L’ASTIGMATISME :

3-3-1 : Définition :

La réfraction de l’œil astigmate n’est pas la même selon le plan dans lequel se trouvent les rayons incidents. L’image d’un objet est nette dans le plan du méridien de courbure normale, elle est défocalisée et floue dans le plan du méridien perpendiculaire. L’image d’un point est représentée par deux droites perpendiculaires.

3-3-2 : Physiopathologie :

  • L’astigmatisme externe est du à  un défaut de sphéricité de la cornée dont le rayon de courbure varie d’un méridien à l’autre.
  • L’astigmatisme interne, moins fréquent, est lié à la face postérieure de la cornée, la face antérieure et postérieure du cristallin.
  • L’astigmatisme total est la somme de l’astigmatisme cornéen et l’astigmatisme interne.

3-3-3 : Symptômes :

Baisse d’acuité visuelle de près et de loin

L’astigmate confond les optotypes proches comme le « H » et le « N » ou les chiffres comme le « 8 » et le « 0 ». Chez l’enfant, il en résulte des difficultés pour apprendre à lire ou à écrire.

Il peut présenter une vision dédoublée, des céphalées, une fatigue visuelle.

Ce trouble est le même de près et de loin.

3-3-4 : Correction :

L’astigmatisme se caractérise par son pouvoir réfractif (puissance du cylindre en dioptries) et par son axe (en degré d’angle).

Sa correction vise à restaurer une focalisation rétinienne ponctuelle :

  • Par des verres correcteurs cylindriques qui ne corrigent que les méridiens amétropes
  • Par des lentilles de contact toriques
  • Par chirurgie réfractive

Exemple de prescription :

L’astigmatisme se marque entre parenthèse avec la puissance du cylindre et son angle (-1,25D à 125°). Le cylindre peut être convergent (verre + ou hypermétropique) ou divergent (verre – ou myopique). L’astigmatisme peut être isolé ou associé à une myopie ou une hypermétropie.

3-4 : La presbytie :

3-4-1 : Définition :

Elle traduit la perte progressive et physiologique du pouvoir accommodatif du cristallin chez tout individu. Elle débute vers 40-45 ans et devient maximale à 65 ans.

3-4-2 : Physiopathologie :

A l’état normal et au repos le cristallin est relâché. La focalisation d’un objet à l’infini (>5m) se fait normalement précisément sur la rétine.

L’accommodation permet la mise au point sur la rétine lorsque l’objet se rapproche. Elle est assurée par l’élasticité du cristallin. La contraction du muscle ciliaire permet une augmentation du pouvoir réfractif du cristallin et donc une vision nette de près. Un relâchement du muscle ciliaire entraîne une diminution du pouvoir réfractif du cristallin qui s’aplatit et permet une focalisation des images pour les objets lointains.

Le vieillissement inéluctable du cristallin réduit son élasticité et sa déformabilité ce qui diminue progressivement son pouvoir accommodatif.

3-4-3 : Symptômes :

Baisse d’acuité visuelle de près

Le presbyte débutante entraîne des difficultés croissantes en vision de près (lecture, écriture, couture…) et la nécessité d’augmenter la distance à l’objet observé. En augmentant cette distance on diminue l’effort de convergence que doit réaliser le cristallin car les rayons provenant de cet objet sont moins divergents.

3-4-4 : Correction :

La correction de la presbytie doit être régulièrement augmentée au fur et à mesure du vieillissement (de +1D à 45 ans à + 3D à 65 ans).Elle se surajoute à la correction d’une amétropie préexistante.

Elle vise à augmenter la puissance réfractive de l’œil en vision de près uniquement :

  • Par des verres correcteurs sphériques convexes convergents, notés positivement.

En cas d’amétropie préexistante, le patient peut porter des verres progressifs ou des verres bifocaux, dont la partie haute corrige pour la vision de loin et la partie basse pour la vision de près (abaissement du regard lors de la lecture).

  • Par des lentilles de contact multifocales
  • Par chirurgie réfractive