Les occlusions veineuses rétiniennes sont des pathologies fréquentes en ophtalmologie. Elles représentent la 2è pathologie rétinienne vasculaire après la rétinopathie diabétique.
Il s’agit d’une affection grave secondaire à un ralentissement brutal du courant veineux rétinien.
Une occlusion de la veine centrale de la rétine (OVCR) réalise un tableau de ralentissement de la circulation rétinienne avec des signes de stase en amont. La physiopathologie des OVCR est encore incertaine.
Une occlusion de branche veineuse rétinienne (OBVR) est liée le plus souvent à une compression de la veine par une artère au niveau d’un croisement artério-veineux. La stase intéresse uniquement le territoire de drainage de la branche veineuse.
1 : Occlusion de la veine centrale de la rétine (OVCR) :
1-1 : Diagnostic positif :
1-1-1 : Terrain :
Les principaux facteurs de risque sont : |
L’âge (>60 ans) |
Les facteurs de risque cardio-vasculaire (artériosclérose, hypercholestérolémie, hypertension artérielle, diabète) |
L’ hypertonie oculaire chronique (glaucome chronique à angle ouvert). |
1-1-2 : Signes cliniques :
Baisse d’acuité visuelle plus ou moins profonde (de1/20 à une simple gène et10/10), d’apparition brutale (quelques minutes à quelques heures) avec un œil blanc indolore.
L’examen du fond d’œil permet de faire le diagnostic avec l’association de la tétrade suivante :
Dilatation et tortuosités veineuses rétinienne |
Hémorragies rétiniennes disséminées superficielles (en flammèches) ou profondes (en taches) |
Oedème papillaire |
Nodules cotonneux, témoins de la non perfusion des capillaires et donc du degré de l’ischémie rétinienne |
1-1-2-1 : Les formes oedémateuses (Figure 1) :
Ce sont les plus fréquentes avec les caractéristiques suivantes :
Acuité visuelle supérieure à 2/10è
Réflexe afférent pupillaire direct conservé
Hémorragies en flammèches superficielles disséminées. Elles ont une disposition radiaire à partir du nerf optique et une extension périphérique dans les 4 quadrants rétiniens.
Peu ou pas de nodules cotonneux
Œdème maculaire important
L’angiographie à la fluorescéine retrouve des dilatations capillaires imporantes avec peu de territoires de non perfusion (ischémie rétinienne). Il y’a un retard de remplissage veineux modéré.
L’œdème maculaire est visible aux temps tardifs de l’angiographie et se manifeste par une hyperfluorescence liée à la diffusion pathologique du colorant au niveau des capillaires dilatés.
1-1-2-2 : Les formes ischémiques (Figure 2):
Elles sont moins fréquentes mais plus graves au niveau du pronostic visuel avec les caractéristiques suivantes :
Une acuité visuelle effondrée (souvent moins de 1/10è). La baisse d’acuité visuelle est brutale et profonde.
Un défaut du réflexe pupillaire afférent direct.
Un examen du fond d’œil qui retrouve des hémorragies profondes nombreuses « en taches » et des nodules cotonneux nombreux, témoins de l’ischémie rétinienne.
L’angiographie à la fluorescéine met en évidence des territoires étendus de non perfusion capillaire, ischémiques qui se manifeste par des territoires rétinien hypofluoréscent (sans présence de colorant). Il y’a un retard de remplissage veineux important avec un temps bras-rétine allongé.
Une forme initialement oedémateuse peut évoluer vers une forme ischémique dans 20% des cas. Des formes mixtes (ischémique + oedémateuses) sont possibles.
Il faut savoir que les formes oedémateuses et ischémiques sont définies par l’aspect du fond d’œil (cliniquement) et par l’examen angiographique à la fluorescéine. La distinction est théorique et représente le dergré de non perfuion d’une OVR. L’angiographie permet d’apprécier l’étendue de l’ischémie rétinienne.
1-1-2-3 : Les formes associées avec une occlusion de l’arère cilio rétienne (Figure 3):
Ces artères sont présentes chez près de 30% des yeux et leur obstruction s’accompagne d’un pronostic visuel qui dépend du trajet de cette artère. Si cette artère cilio-rétinienne irrigue la région de la macula on aura une baisse d’acuité visuelle majeure.
Les occlusion de la veine centrale de la rétine peuvent s’accompagner d’une occlusion de l’artère cilio-rétinienne concomitante (si elle est présente).
Cliniquement, l’aspect du fond d’œil retrouve une aire de rétine blanchâtre oedématiéesuperficielle le long de l’artère cilio-rétinienne.
1-1-3 : Examens complémentaires :
Le diagnostique est clinique. On pourra réaliser :
Des rétino photos pour la surveillance.
Un OCT pour évaluer précisément l’œdème maculaire et pour la surveillance.
Une angiographie à la fluorescéine qui évalue l’ischémie.
1-2 : Bilan :
Un bilan cardio-vasculaire standard est préconisé en fonction des facteurs de risques retrouvés. On réalise le plus souvent un bilan biologique de base : NFS, VS (recherche une élévation de la viscosité sanguine dans le cas de maladies systémiques comme la maladie de Waldentröm ou une polyglobulie comme la maladie de Vaquez), un holter tensionnel, une échographie doppler des troncs supra aortiques, un ECG et une recherche d’un syndrome d’apnée du sommeil.
La mesure de la pression intra oculaire à la recherche d’une hypertonie évoquant un glaucome chronique à angle ouvert.
Si le patient a moins de 50 ans ou devant une OVCR bilatérale rapprochée on recherchera d’autres facteurs de risques comme :
La présence d’anticoagulants circulants dans le cadre du Lupus qui conduisent à rechercher des anticorps antiphospholipides (anticorps anticardiolipines).
Des troubles de l’hémostase : résistance protéine C activée, déficit en protéine C, S ou antithrombine III, hyperhomocystéinémie.
En pratique la majorité des bilans réalisés ne retrouvent pas plus d’anomalies que dans la population générale. Certaines équipes ne font pas de bilan et équilibre les facteurs de risques cardio-vasculaires si besoin.
1-3 : L’évolution :
L’évolution est variable.
Elle peut être bonne dans les formes oedémateuses : disparition des signes d’occlusion en quelques mois en laissant peu de séquelle.
Passage à une forme ischémique : 25%.
Evolution défavorable pour les formes ischémiques :
Acuité visuelle < 1/10 séquellaire, œdème maculaire cystoïde chronique, maculopathie ischémique.
Une des complications à redouter est la survenue de néo-vaisseaux pouvant entraîner une rubéose irienne (Figure 4) avec un glaucome néo vasculaire (en général 100 jours après l’OVCR) par prolifération de néo-vaisseaux dans l’angle irido-cornéen. Ces néo-vaisseaux vont bloquer l’écoulement normal de l’humeur aqueuse.
Des hémorragiesintra-vitréennes par néo vaisseaux pré-rétiniens peuvent aussi venir compliquer le tableau.
1-4 : Traitement de l'occlusion de la veine centrale de la rétine :
1-4-1 : Traitement des facteurs de risque :
En fonction du bilan :
Traitement de l’artériosclérose, de l’hypertension artérielle, de l’hypercholestérolémie et du diabète.
Traitement du glaucome chronique à angle ouvert. Il convient de rechercher une hypertonie oculaire dans l’œil controlatéral et si besoin, de la traiter.
1-4-2 : La photocoagulation panrétinienne :
Elle constitue le traitement des formes ischémiques sévères. Elle n’a pas pour but d’amener une amélioration visuelle mais elle permet d’éviter l’apparition de néo vaisseaux ou d’entraîner leurs régressions si il y’en a déjà.
Il s’agit de traiter par photocoagulation = PPR (laser argon) des territoires ischémiques périphériques. L’attitude recommandée est de traiter préventivement par PPR quand on est en présence d’une OVCR très ischémique.
On peut aussi surveiller cliniquement à la recherche d’une néovascularisation irienne à traiter par PPR rapide dès son apparition (dans les 15 jours). Cette surveillance est essentielle dans les 3 premiers mois.
Le glaucome néovaculaire installé peut entraîner une perte de la fonction visuelle définitive. Le traitement à ce stade vise à éviter l’apparition de douleurs (liées à l’hypertonie) et l’énucléation qui peut en découler. Cette complication de l’OVCR est traitée par PPR en urgence (dans les 15 jours) en association avec un traitement local (collyres hypotonisants) et per os (acétazolamide = Diamox®). Une intervention chirurgicale à type de cryo application ciliaire et rétinienne peut être nécessaire dans les cas rebelles.
1-4-3 : Photocoagulation maculaire (ou grid maculaire)
Dans les cas d’œdème maculaire cystoïde chronique. Ce traitement n’a pas démontré son efficacité pour les OVCR. Il est de moins en moins proposé.
1-4-4 : Injections intra-vitréennes de corticoïdes
Implant intra vitréen de dexaméthasone : Ozurdex Æ
La décision de traiter est de plus en plus précoce quand il y a une baisse d’acuité visuelle franche (< 7/10). On attend de moins en moins une éventuelle bonne évolution spontanée.
Ce traitement est efficace sur les oedèmes maculaires cystoïdes. La durée d’action de l’injection est de 4 à 6 mois. Les principaux effets secondaires sont la progression de la cataracte et l’hypertonie cortico induite.
On préfère ce traitement en général chez les patients déjà pseudo phake et sans glaucome avéré. On continue les injections tant qu’on retrouve un bénéfice fonctionelle et qu’elles sont bien tolérées.
1-4-5 : Injections intra-vitréennes d’anti VEGF
La décision de traiter est de plus en plus précoce dès qu’il y a une baisse d’acuité visuelle franche (< 7/10). On attend de moins en moins une éventuelle bonne évolution spontanée.
Ce traitement est efficace sur les oedèmes maculaires cystoïdes. La durée d’action de l’injection est de 1 à 2 mois et elles nécessitent d’être répétées.
On préfère ce traitement en général chez les patients jeunes et phake.
On continue les injections tant qu’on retrouve un bénéfice fonctionelle et qu’elles sont bien tolérées.
1-4-6 : Le traitement médical :
Il est peu utilisé et peu efficace dans son ensemble.
Les anticoagulants les antiagrégants plaquettaires ne semblent pas être efficaces.
L’hémodilution isovolémique, bien que non utilisée en pratique courante semblerait être efficace dans la première semaine d’évolution de l’affection en diminuant l’hématocrite et donc la viscosité sanguine. Elle n’est pratiquée que par peu d’équipes depuis l’avénement des injections intra vitréennes.
2 : Les occlusions de branches veineuses rétiniennes (OBVR)
2-1 : Clinique
Les occlusions de branches veineuses rétiniennes surviennent à une intersection artérioveineuse et affectent un territoire de la rétine anatomiquement drainé par la veine occluse. L’artériole et la veine partagent une gaine adventicielle commune, l’artériosclérose artérielle peut provoquer un écrasement de la veine rétinienne plus ou moins important. Si celui ci est trop important il crée une occlusion de branche veineuse.
2-2 : Terrain :
Les patients ont plus de 60 ans et présentent des facteurs de risque d’artériosclérose (tabac, hypertension arterielle, diabète).
2-3: Signes cliniques :
Les anomalies retrouvées au fond d’œil sont semblables à celles des occlusions de la veine centrale de la rétine mis à part le fait qu’elles sont limitées au territoire de drainage de la veine occluse (Figure 5).
En angiographie, le remplissage veineux est ralenti au niveau du site de l’occlusion comparativement à la rétine adjacente. On peut visualiser des zones d’ischémie dans la zone occluse.
2-4 : Evolution :
L’évolution est de meilleur pronostique que les OVCR. Il peut y avoir une reperméabilisation ou une circulation de suppléance qui se crée.
Le pronostique visuel dépend de la localisation de l’OBVR, notamment de l’atteinte de la macula ou pas.
Une néovascularisation peut compliquer ce tableau au niveau de la rétine périphérique, mais le degré d’ischémie n’est pas suffisant pour entraîner l’apparition d’un glaucome néovasculaire.
Les principales complications sont l’œdème maculaire chronique et les hémorragies intravitréennes.
2-5 : Traitement spécifique des occlusions de branches veineuses rétiniennes (OBVR) :
Le traitement est similaire au OVCR avec notament l’utilisation des injections intra vitréennes.
La photocoagulation laser sectorielle des territoires ischémiques rétiniens permet d’éviter une hémorragie intravitréenne par des néo-vaisseaux. Elle permet aussi de traiter les zones de diffusion responsables d’œdème maculaire et est plus efficace que dans les OVCR.