Occlusions artérielles :
- La rétine neurosensorielle est ischémiée de façon irréversible après 90 minutes d’occlusion complète artérielle.
- La circulation provenant de l’artère centrale de la rétine irrigue la moitié interne de la rétine et notamment les fibres optiques. Une occlusion au niveau de ce système entraîne une atrophie des couches internes de la rétine. Le centre de la macula n’est pas vascularisé = zone avasculaire centrale. La nutrition à cet endroit est assurée par les échanges avec la circulation choroïdienne sous jacente. Cependant l’information visuelle chemine vers le nerf optique via les fibres optiques inter papillo maculaires. C’est l’atrophie de ces fibres qui entraîne l’effondrement de l’acuité visuelle.
- Le site anatomique de l’occlusion déterminera s’il s’agit d’une occlusion de l’artère centrale de la rétine (dans près de 60% des cas), d’une occlusion de branche artérielle (dans 35% des cas), d’une occlusion de l’artère cilio-rétinienne (< 5% des cas) ou d’une artériole rétinienne.
1 : Occlusion de l’Artère Centrale de la Rétine : OACR
C’est une affection rare (incidence : 1/10 000)
L’âge moyen de survenue est de plus 55 ans.
1-1 : Diagnostic :
1-1-1 : Examen clinique :
- Baisse profonde de l’acuité visuelle, indolore, brutale et unilatérale.
- Parfois épisodes de cécité monoculaire transitoire précédent l’OACR qui correspondent à des micro emboles se délitant spontanément et rapidement car de petites tailles.
- Mydriase aréflexique avec abolition du réflexe photomoteur direct et conservation du réflexe consensuel (lorsqu’on éclaire l’œil adelphe).
- Œdème blanc ischémique de la rétine interne au pôle postérieur avec un aspect de macula rouge cerise (Figure 1)
- Rétrécissement du calibre des artères avec des emboles visibles (20% des cas) et un courant ralenti, granuleux.
La macula apparaît rouge car la rétine est fine à cet endroit et permet la visibilité de la circulation choroïdienne sous-jacente. La rétine est oedémateuse particulièrement au pôle postérieur, région ou la couche des fibres nerveuses et des cellules ganglionnaires sont les plus épaisses.
Chez 25% des patients, l’existence d’une artère cilio-rétinienne (préservée car issue de la circulation choroïdienne) permet une circulation de suppléance de tout ou d’une partie de la région papillo-maculaire ce qui sauve parfois la macula et permet une bonne acuité visuelle avec un champ visuel tubulaire (Figure 2).
1-1-2 : Examen para-clinique :
- L’angiographie à la fluorescéine montre un retard de la circulation artérielle avec un retard d’apparition du colorant dans le réseau artériel : augmentation du temps bras-rétine (figure 3).
Ralentissement du remplissage artériel avec aspect d’arbre mort.
Elle ne montre pas toujours un arrêt complet de la circulation car l’occlusion est souvent incomplète et la reperméabilisation s’est déjà faite quand on fait l’examen.
Cette reperméabilisation est cependant trop tardive et pas assez complète en général pour avoir une récupération fonctionnelle.
On recherchera une ischémie choroïdienne associée (retard de remplissage choroïdien) en faveur d’une maladie de Horton. (Figure 8)
- L’OCT montre une hyper réflectivité des couches internes à la phase aiguë (Figure 4 et 9) en rapport avec l’œdème ischémique. Cet œdème fera place à une atrophie au bout d’un mois environ. L’OCT aide au diagnostique tardif quand la rétine est globalement atrophique (Figure 5).
1.2 : Les étiologies :
1-2-1 : Les emboles :
Les emboles sont visibles dans le système artériel rétinien lors d’OACR dans 20 à 40% des cas.
L’épidémiologie dans cette étiologie, est identique à celle des accidents vasculaires ischémiques.
La forme la plus fréquente est représentée par l’embole provenant d’une plaque d’athérome située sur les artères carotidiennes, la crosse aortique ou la partie proximale de l’artère ophtalmique.
Des emboles calciques d’origine cardiaque, moins fréquents.
Des emboles lipidiques après fracture des os longs (fémur en général) : embolie graisseuse, rare.
1-2-2 : Une thrombose de l’artère :
- La maladie de Horton doit être recherché systématiquement en urgence à cause du risque de bilatéralisation.
- Les autres thromboses inflammatoires (PAN, artérite à cellules géantes, granulomatose de Wegener, lupus érythémateux systémique).
1-2-3 : Autres étiologies :
Les troubles de la coagulation et les hémoglobinopathies qui feront réaliser un bilan d’hémostase.
Chez les patients plus jeunes : traumatismes (traumatisme pénétrant, injection rétrobulbaire, anesthésie, chirurgie ORL, embolisation avec passage rétrograde),
1.3 : Bilan, à réaliser en urgence +++ :
Bilan cardio vasculaire :
Imagerie vasculaire : échographie cardiaque transthoracique et oesophagienne, échodoppler des troncs supra-aortiques :
Recherche d’une plaque d’athérome ou de valvulopathies cardiaques emboligènes.
ECG : recherche d’un trouble du rythme.
Biologie sanguine : VS, CRP, Numération formule sanguine, glycémie, bilan de coagulation sanguine :
prothrombine, facteur V, thrombine, fibrinogène, un déficit en protéine C, en protéine S, en antithrombine III, en plasminogène et plasmine.
En cas de suspicion de maladie de Horton, après la VS et la CRP demandées en urgence, penser à compléter le bilan par une biopsie de l’artère temporale (BAT). Ce dernier examen ne doit pas retarder la mise sous corticothérapie afin d’éviter tout risque de bilatéralisation de l’OACR ou de NOIAA.
1.4 : Le traitement :
En fonction de l’étiologie
Il convient de traiter en premier lieu les facteurs de risque cardio-vasculaires.
L’efficacité du traitement spécifique reste controversée et aucun consensus n’existe. On été discuté : massage du globe et ponction de chambre antérieure (pour but de diminuer la pression intraoculaire et de facilité le gradient artériel) ; traitement par antiagrégants plaquettaires, anticoagulant (héparinothérapie), discuté en cas de risque embolique ; la fibrinolyse par voie générale ou in situ semble être plus dangereuse qu’efficace ; Acetzolamide (Diamox®) intraveineux ; vasodilatateurs intraveineux (anticalciques, dérivés nitrés) ; inhalation de gaz (oxygène hyperbare, carbogène : 95% oxygène- 5% CO2).
1-5 : Évolution :
- Avec le temps, l’artère centrale de la rétine se reperméabilise avec une diminution de l’œdème rétinien. La papille devient atrophique et les vaisseaux sont grêles. L’acuité visuelle reste effondrée en raison d’une atrophie séquellaire de la rétine interne.
Les OACR se compliquent rarement de néo vaisseaux et de glaucome néo vasculaire car il n’ y a pas souvent de blocage complet et permanent de l’artère centrale de la rétine donc il n’y a pas d’ischémie rétinienne chronique.
- Une angiographie à la fluorescéine à 1 mois peut être réalisé afin de vérifier la présence d’une bonne perméabilité vasculaire. En cas de blocage permanent une Pan Photocoagulation Rétinienne (PPR) sera réalisée.
2 : Occlusion de branche artérielle rétinienne : OBAR :
- Le diagnostic est révélé par l’examen du fond d’œil qui retrouve un œdème rétinien en secteur dans le territoire vasculaire irrigué par l’artère (Figure 6).
- Le pronostic visuel est meilleur que pour les OACR avec des déficits du CV résiduels dans le territoire concerné par l’OBAR. La baisse d’acuité visuelle est variable selon le territoire rétinien concerné. La macula peut ne pas être atteinte (formes de gravité moindre au point de vue fonctionnel).
L’angiographie à la fluorescéine précise le site de l’obstacle.
- Les étiologies sont similaires à celles des OACR avec une cause embolique prédominante en cas d’obstruction d’une bifurcation artérielle.
La maladie de Horton ne peut pas donner d’OBAR car elle ne touche pas les artères de ce calibre (trop petit).
3 : Occlusion d’une artériole rétinienne :
Elle se révèle par la présence de nodules cotonneux, lésions blancs-jaunâtres au niveau de la rétine superficielle. Ces lésions résultent de l’obstruction d’une artériole rétinienne et donc de l’ischémie résultante par blocage du flux axoplasmique dans la couche des fibres nerveuses de la rétine. Cette atteinte ne s’accompagne pas de baisse d’acuité visuelle.
4 : Oblitération de l’artère cilio-rétinienne :
- Ces artères sont présentes chez près de 30% des yeux et leur obstruction isolée s’accompagne d’un pronostic visuel qui dépend du trajet de cette artère. Si cette artère cilio-rétinienne irrigue la région de la macula on aura une baisse d’acuité visuelle majeure.
Les OVCR peuvent s’accompagner d’une occlusion de l’artère cilio-rétinienne concomitante (si elle est présente).
Cliniquement, l’aspect du fond d’œil retrouve une aire de rétine blanchâtre oedématiée superficielle le long de l’artère cilio-rétinienne (Figure 7).
5 : Sténose carotidienne, syndrome d’ischémie oculaire chronique
5.1. Examen clinique
On retrouve au fond d’oeil un rétrécissement du calibre artériel, des dilatations des veines rétiniennes, des hémorragies rétiniennes rondes centrées par des microanévrysmes, des nodules cotonneux et parfois une néovascularisation prépapillaire. Les hémorragies rétiniennes sont souvent localisées en périphérie rétinienne.
5.2. Examens paracliniques
- L’angiographie à la fluorescéine montre le retard circulatoire rétinien et l’hypoperfusion choroïdienne.
- L’écho-doppler carotidien recherche une sténose carotidienne +++.